ArticlesSliders

Bled el Abar – Le pays des puits : une immersion dans les territoires oubliés du désert tunisien

Du 18 avril au 28 juin 2025, le centre culturel 32Bis à Tunis ouvre ses portes à une exposition unique intitulée Bled el Abar – Le pays des puits, un projet porté par les architectes Vanessa Lacaille, Mounir Ayoub et Hamed Kriouane.

Cette initiative met en lumière un territoire méconnu et pourtant vital du sud tunisien, situé entre le Chott el-Djérid, le Grand Erg Oriental, le djebel Dahar et la frontière algérienne, une région autrefois appelée Bled el Abar.

Un territoire façonné par l’eau au cœur du désert

Le Bled el Abar, littéralement « le pays des puits », désigne une vaste zone désertique jalonnée de puits ancestraux. Ces points d’eau, véritables oasis dans un paysage aride, ont permis la survie des populations nomades et sédentaires pendant des siècles. Plus que de simples sources d’eau, ces puits sont des lieux de vie, de passage, de rassemblement et de repos, essentiels tant pour les humains que pour leurs troupeaux.

Des savoir-faire ancestraux pour préserver l’eau

Dans cette région, la gestion de l’eau repose sur des techniques traditionnelles millénaires adaptées aux conditions extrêmes du désert. Parmi elles, on trouve notamment les khettaras (ou qanats), des galeries souterraines qui captent et acheminent l’eau des nappes phréatiques vers la surface, limitant ainsi l’évaporation. Ces systèmes ingénieux, souvent creusés à la main, témoignent d’un savoir-faire ancestral transmis de génération en génération.

D’autres méthodes incluent la construction de bassins de rétention, la collecte des eaux de pluie et la protection des points d’eau contre la contamination. Ces pratiques sont au cœur de la survie des communautés locales, mais elles sont aujourd’hui menacées par les changements climatiques, la désertification accélérée et les mutations sociales.

Bled el Abar

Une exposition pour sensibiliser et agir

L’exposition Bled el Abar propose une immersion complète dans ce territoire fragile et fascinant à travers plusieurs supports :

  • Une carte détaillée qui relie paysages, infrastructures et architectures, offrant une vision globale du territoire.
  • Une série de photographies capturant les puits, les activités humaines et animales qui gravitent autour.
  • Un documentaire vidéo qui donne à voir des fragments de vie nomade dans ce désert.
  • Une installation vidéo retraçant le projet de restauration du puits de Bir Ettin, réalisé en collaboration avec les habitants.
  • Un livre qui accompagne l’exposition et raconte l’histoire collective de ce projet.

Ces éléments mettent en lumière les communautés locales encore présentes et actives, tout en soulignant la fragilité de leur environnement et la nécessité urgente d’agir pour préserver ce patrimoine.

Un projet collaboratif et engagé

Le collectif Bled el Abar réunit les architectes Vanessa Lacaille, Mounir Ayoub et Hamed Kriouane, qui ont collaboré avec des artistes et spécialistes tels que les photographes M’hammed Kilito et Yann Gross, les monteurs Aymen Khemis (vidéo) et Wissem Ben Said (son), ainsi que le graphiste Samuel Schmidt.

La production est assurée par l’équipe du centre culturel 32Bis, avec Hela Djobbi, Imen Bahri, Sarah Nefissa BelHadjAli et Wissal Bettaibi. Le projet bénéficie du soutien de Pro Helvetia et de la Coopération suisse en Tunisie, qui ont notamment financé la restauration concrète du puits de Bir Ettin, symbole de la résilience et de l’importance de ces infrastructures traditionnelles.

Un appel à la préservation et à la valorisation

À travers cette exposition, le collectif souhaite rendre visible un patrimoine souvent ignoré, alerter sur les menaces qui pèsent sur ces territoires et célébrer les savoir-faire ancestraux qui permettent encore aujourd’hui à ces communautés de vivre dans l’aridité du désert. Bled el Abar est ainsi une invitation à découvrir, comprendre et surtout protéger un héritage précieux, reflet d’une relation millénaire entre l’homme et l’eau dans les terres du sud tunisien.

Le projet Bled el Abar valorise les savoir-faire ancestraux de préservation de l’eau dans le sud tunisien en mettant en lumière les techniques traditionnelles et les pratiques culturelles liées aux puits, essentiels à la survie des communautés nomades et sédentaires dans ce territoire désertique.Il s’appuie notamment sur la restauration concrète de puits comme celui de Bir Ettin, réalisée en collaboration avec les habitants, illustrant une démarche participative qui perpétue ces méthodes anciennes tout en les adaptant aux enjeux contemporains.

Ce projet, porté par un collectif d’architectes et soutenu par des institutions culturelles, combine exposition artistique et actions sur le terrain pour sensibiliser le public à l’importance de ce patrimoine hydraulique fragile et menacé par le changement climatique et les transformations sociales. À travers des cartes, photographies, vidéos et récits, l’exposition raconte l’histoire des puits, témoins de l’ingéniosité des populations qui ont su extraire et gérer l’eau souterraine dans un environnement hostile, notamment grâce à des dispositifs comme les norias ou les systèmes de captage souterrains.

Par ailleurs, le projet met en avant des techniques ancestrales de gestion de l’eau, telles que les jessour — systèmes traditionnels de retenue et d’irrigation des eaux pluviales utilisés dans le sud-est tunisien — qui permettent de valoriser les eaux de ruissellement, protéger les sols et soutenir une agriculture adaptée aux conditions arides.

 Ces savoir-faire, transmis de génération en génération, sont présentés comme des modèles durables capables de répondre aux défis actuels liés à la rareté de l’eau et à la désertification.

Bled el Abar 2

En résumé, Bled el Abar valorise ces savoir-faire en les documentant, en les restaurant sur le terrain, et en les exposant au public, afin de préserver un patrimoine hydraulique millénaire tout en invitant à repenser la gestion de l’eau dans le contexte des crises écologiques et sociales actuelles

La réhabilitation des puits contribue à la transmission des savoir-faire traditionnels en permettant de restaurer et de remettre en fonctionnement des infrastructures hydrauliques anciennes, tout en impliquant les communautés locales dans leur entretien et leur gestion. Ce processus ne se limite pas à une simple remise en état technique : il s’inscrit dans une démarche de valorisation des pratiques ancestrales liées à la construction, à la maintenance et à l’usage durable des puits.

En réhabilitant un puits, on renouvelle les connaissances sur les techniques traditionnelles de creusement, de revêtement et de protection des puits, souvent adaptées aux conditions spécifiques du milieu désertique. Par exemple, le travail de restauration du puits de Bir Ettin dans le projet Bled el Abar a été réalisé en collaboration avec les habitants, favorisant ainsi un transfert direct des compétences et un dialogue entre générations. Cette implication locale est cruciale pour que les savoir-faire ne se perdent pas et restent vivants dans la communauté.

De plus, la réhabilitation permet de prolonger la durée de vie des puits, évitant ainsi la construction de nouveaux ouvrages qui pourraient dénaturer les pratiques traditionnelles. Elle offre aussi l’occasion de documenter et d’enseigner ces techniques, en les intégrant dans des projets culturels et éducatifs, comme des expositions ou des ateliers.

Enfin, la réhabilitation agit comme un levier pour sensibiliser à l’importance du patrimoine hydraulique et pour encourager la transmission des gestes, des outils et des connaissances liés à la gestion durable de l’eau dans des environnements arides. Ce processus est donc un vecteur essentiel pour préserver non seulement l’accès à l’eau, mais aussi un héritage culturel et technique précieux.

Le projet Bled el Abar revêt une importance cruciale dans le contexte actuel de pénurie d’eau et de changement climatique en Tunisie. En mettant en valeur et en restaurant les puits traditionnels du désert tunisien, ce projet rappelle l’ingéniosité des populations locales qui, depuis l’Antiquité, ont développé des techniques adaptées pour extraire et gérer durablement l’eau souterraine dans des environnements arides.

Face à la raréfaction croissante des ressources hydriques, exacerbée par le réchauffement climatique et les pressions démographiques, la réhabilitation de ces puits constitue une réponse à la fois écologique et culturelle. Elle permet de préserver un patrimoine hydraulique millénaire, tout en offrant des solutions locales pour l’approvisionnement en eau, particulièrement dans les zones désertiques où les infrastructures modernes restent limitées.

Par ailleurs, ce projet s’inscrit dans une dynamique plus large de gestion durable de l’eau en Tunisie, où les autorités multiplient les efforts pour améliorer la gouvernance des ressources hydriques, développer des barrages, des stations de dessalement et valoriser les eaux traitées.Dans ce contexte, Bled el Abar agit comme un complément essentiel, en valorisant les savoir-faire ancestraux qui peuvent inspirer des pratiques résilientes face aux défis actuels.

Enfin, en sensibilisant le public à travers une exposition immersive et en impliquant les communautés locales dans la restauration des puits, Bled el Abar contribue à renforcer la conscience collective sur la nécessité de protéger cette ressource vitale, tout en encourageant une approche intégrée mêlant culture, écologie et innovation face à la crise climatique.Ce projet illustre ainsi comment la mémoire et les techniques traditionnelles peuvent jouer un rôle clé dans la transition écologique et la sécurité hydrique en Tunisie.

Réhabilitation des puits en Tunisie : un levier essentiel face à la pénurie d’eau et au changement climatique

La réhabilitation des puits joue un rôle important face à la pénurie d’eau en Tunisie en contribuant à la préservation et à la valorisation des ressources hydriques locales, notamment dans les zones rurales et désertiques où l’accès à l’eau potable est souvent limité. En restaurant ces infrastructures traditionnelles, on prolonge leur durée de vie et on optimise l’utilisation des nappes phréatiques, évitant ainsi un recours excessif à la construction de nouveaux puits souvent profonds et coûteux.

Cette démarche s’inscrit dans une gestion plus durable et raisonnée de l’eau, en limitant la surexploitation des aquifères, un enjeu majeur souligné par les experts de l’ONU qui appellent la Tunisie à mieux contrôler l’extraction d’eau et à fermer les puits illégaux. La réhabilitation permet aussi de renforcer l’autonomie des communautés locales, en leur redonnant accès à des points d’eau fiables, tout en perpétuant des savoir-faire traditionnels adaptés aux conditions arides.

Par ailleurs, dans un contexte où la demande en eau augmente, notamment pour l’agriculture qui consomme environ 70 % de l’eau douce en Tunisie. la réhabilitation des puits s’inscrit dans une stratégie globale visant à améliorer la gestion de la ressource, à réduire les pertes et à mieux répartir l’eau disponible. Elle complète les efforts d’infrastructures modernes, comme les projets de forage de nouveaux puits menés par la SONEDE pour pallier les pénuries récurrentes dans plusieurs régions.

Ainsi, la réhabilitation des puits traditionnels contribue à une approche intégrée de la gestion de l’eau, combinant préservation du patrimoine hydraulique, renforcement des capacités locales et adaptation aux défis du changement climatique et de la rareté croissante de l’eau en Tunisie.

Mabrouka Khedir & Tayma Tajouri / Cosmos Media

Bouton retour en haut de la page