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Crise Hydrique en Tunisie : Entre Changements Climatiques et Solutions Durables

Sarah Ben Omrane /Cosmos Média

En marge des travaux de l’atelier intitulé « Les défis des pays du Maghreb face au changement climatique : l’économie circulaire et la gestion raisonnée des ressources naturelles comme clés du devenir de la région », organisé par le réseau Africa21 et l’ambassade de Suisse en Tunisie, en partenariat avec PAMT2 et la GIZ, nous avons rencontré Hamouda Dakhlaoui, expert et chercheur en ressources hydriques à l’École Nationale d’Ingénieurs de Tunis (ENIT).

Lors de cet entretien, il a dressé un état des lieux alarmant sur la crise hydrique en Tunisie, un problème aggravé par les effets du changement climatique, tout en proposant des pistes concrètes pour mieux gérer et préserver les ressources en eau du pays.

Une vulnérabilité accrue face au changement climatique

« Les ressources en eau en Tunisie sont déjà insuffisantes, et cette situation va s’aggraver avec les projections climatiques », affirme Hamouda Dakhlaoui. Selon les scénarios les plus pessimistes, une diminution des précipitations d’environ 3 % d’ici la fin du siècle est attendue, accompagnée d’une hausse des températures de 4 à 5 degrés. Cette combinaison entraînera une augmentation de l’évaporation et une réduction significative des eaux de surface, notamment celles stockées dans les barrages.

Une étude publiée en 2022 à l’ENIT révèle que les eaux de surface sont particulièrement sensibles aux variations climatiques. Une baisse de 20 % des précipitations pourrait engendrer une diminution de 40 % des eaux de surface en raison d’un coefficient multiplicateur hydrologique. « Ces chiffres traduisent une situation critique », souligne l’expert.

Les nappes souterraines ne sont pas épargnées. La réduction des précipitations limite leur recharge naturelle, tandis que la surexploitation des puits et sondages aggrave le problème. « Ce recours excessif menace de vider les nappes, avec un risque accru d’intrusion saline, rendant l’eau inexploitable pour l’agriculture et la consommation », alerte-t-il.

Un impact direct sur l’agriculture

Les conséquences du stress hydrique se font déjà sentir sur les pratiques agricoles. « Avec des sécheresses plus longues et plus intenses, certaines cultures pluviales, comme l’olivier, nécessitent désormais une irrigation, ce qui accroît la pression sur les ressources en eau », explique Hamouda Dakhlaoui.

Il cite une étude menée en collaboration avec l’Institut National de Recherche en Génie Rural, Eaux et Forêts (INGREFF) sur la production de Deglet Ennour à Jemna. « Les projections montrent que l’augmentation des températures et la salinisation des sols auront un impact négatif sur la productivité. L’irrigation souterraine pourrait être une solution, car elle réduit l’évaporation et limite l’accumulation de sel en surface. »

Diversifier les ressources hydriques : une nécessité

Face à cette situation, l’expert insiste sur l’urgence de diversifier les ressources hydriques. « Le dessalement de l’eau de mer et la réutilisation des eaux usées traitées sont des solutions viables, mais leur usage doit être ciblé », préconise-t-il.

Le dessalement pourrait être orienté vers les cultures tolérantes au sel, tandis que les eaux traitées, contenant de la matière organique fertilisante, pourraient irriguer des cultures fourragères, réduisant ainsi les importations de maïs et de soja. « Actuellement, une ressource précieuse est rejetée en mer, nuisant à l’écosystème. Il est impératif de la canaliser pour en tirer profit », affirme-t-il.

Cependant, Hamouda Dakhlaoui met en garde contre l’utilisation des eaux usées non traitées, qui peuvent entraîner de graves conséquences sanitaires. « Les eaux traitées, en revanche, pourraient aussi être utilisées pour des activités comme le lavage des voitures, réduisant la pression sur les ressources en eau potable. »

Le rôle des pratiques ancestrales

L’expert appelle également à un retour aux pratiques ancestrales de gestion de l’eau, comme la collecte de l’eau pluviale dans des citernes (Majels). « Ces méthodes, bien que simples, restent efficaces pour préserver et gérer l’eau à l’échelle domestique », conclut-il.

Une prise de conscience urgente

Pour Hamouda Dakhlaoui, la crise hydrique en Tunisie nécessite une mobilisation collective et une action immédiate. La diversification des ressources, l’adoption de solutions innovantes et le respect des pratiques traditionnelles doivent converger pour surmonter cette crise. Enjeu vital pour l’agriculture et la survie des générations futures, la gestion durable des ressources en eau doit devenir une priorité nationale.

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